Actualité

CAMEROUN, STATIONNEMENT : LE CASSE-TÊTE DES PARKINGS

La scène a retenu l’attention de plus d’un badaud à l’avenue Kennedy à Yaoundé. Deux dames se crêpent le chignon pour un problème de stationnement. « Elle me voit clignoter pour garer mon véhicule, et c’est à ce moment qu’elle se stationne. Ce n’est pas sérieux. Et lorsque je lui fais la remarque elle me demande d’aller me pendre », explique la jeune dame à qui veut l’entendre. De son côté, l’autre dame rétorque: « Est-ce que c’est ton parking ? Si tu es forte, déplace ma voiture », dit-elle en avançant vers son adversaire.

Heureusement, des passants interviennent. « Nous sommes habitués à vivre ce genre de scènes causées par le manque d’emplacements pour se stationner. Se garer ici à l’avenue Kennedy est un vrai challenge », explique un commerçant. Non loin de là, au lieu-dit « Montée Abbia », Gerald Kontchou, tenancier d’une structure d’informatique installée dans la zone a également de la peine à se garer. Il a déjà sillonné les environs. « Il faut arriver très tôt pour avoir la chance de garer son véhicule non loin de mon lieu de service. Sinon, il faut sillonner pendant une dizaine de minutes au moins les environs, à la recherche d’une place libre », explique-t-il. Près d’un hôtel très fréquenté du même secteur, les usagers ont aussi du mal à trouver un espace pour leur véhicule.

« Non seulement il est difficile de se garer, mais une fois que l’on a trouvé de l’espace, il faut veiller à ne pas être bloqué», se plaint Yves Soumou, usager. Face à de telles difficultés, plusieurs automobilistes optent pour des solutions originales et quelque peu risquées. « Je préfère garer ma voiture dans un ministère de la place, non loin de mon lieu de service. Puis, je rejoins mon bureau à pied», indique Lazare Mezand.

Au marché central, dans le centre-ville, et même vers les secteurs où les ministères sont concentrés, les scènes de mauvais stationnements sont quotidiennes. Dans les quartiers tels que la Briqueterie, Essos, Mvog-Ada, Mimboman, pour ne citer que ceux-là, des injures fusent entre automobilistes à certaines heures de la journée, à cause du stationnement.

La Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) et les municipalités ont également pris le problème à bras le corps. Des parkings payants ont été créés pour faciliter le stationnement. Du côté des municipalités, la police municipale se bat tant bien que mal pour contourner ces dérives. « Il faut que l’Etat arrange les routes en élargissant les passages, et en créant plus de parkings afin d’éviter le désordre urbain », suggère Guy Ndoumou, ingénieur de travaux publics.

PROBLÉMATIQUE DU STATIONNEMENT


Les villes sont prises avec la question apparemment insoluble du stationnement : les quartiers les plus attractifs suscitent une demande toujours croissante de stationnement, mais l’abondance de cases nuit à la qualité des milieux de vie. Or, la croissance de l’offre de stationnement s’avère incompatible avec de nombreux objectifs des municipalités, comme la lutte contre l'étalement urbain ou l’essor du transport en commun et des déplacements actifs. Mieux appréhender cette question exige de revoir la place de l’automobile dans la ville, notamment de reconsidérer la quantité et la localisation des cases de stationnement.

L’ENRACINEMENT DU STATIONNEMENT DANS LES VILLES

Depuis la seconde moitié du 20e siècle, les villes sont aménagées en fonction de l’automobile. La ségrégation des activités et la faible densité du cadre bâti ont accru les besoins de déplacement en automobile et, par conséquent, la demande en stationnement. Rapidement, le stationnement sur rue n’a plus suffi à combler cette demande. Les municipalités ont alors adopté le principe selon lequel chaque activité doit assumer les besoins de stationnement qu’elle crée, par le biais de normes minimales de stationnement pour chaque nouvelle construction.

En parallèle, les organisations, les particuliers et les promoteurs ont fait le même calcul. En dehors des questions financières, le principal critère de localisation d’une activité ou d’un équipement est désormais celui de l’accessibilité routière, dont le stationnement est un ingrédient majeur. Bernardo Trujillo popularise dans les années 1950 la formule « no parking, no business » qui dicte encore majoritairement la localisation des activités socioéconomiques nord-américaines.

Cette hantise du manque de stationnement que partagent les acteurs municipaux et les décideurs immobiliers tire donc l’offre à la hausse. Le stationnement marque aujourd’hui profondément le paysage des villes, mais aussi leur fonctionnement.

L’INFLUENCE DU STATIONNEMENT SUR LA DYNAMIQUE URBAINE



Les multiples enjeux que soulève le stationnement touchent à des domaines variés de l’urbanisme :

La mobilité et l’accessibilité aux activités et aux équipements; L’occupation de superficies considérables, au détriment des autres usages ou modes de déplacement, et de la compacité du cadre bâti; La vitalité des centralités, souvent liée à un manque ou à une suroffre de stationnement; Le coût collectif, puisque les stationnements publics génèrent en moyenne des revenus moindres que les dépenses associées à leur aménagement et leur entretien;

La qualité du milieu de vie, puisque le stationnement nuit à la création de milieux de vie conviviaux et à échelle humaine; Les nuisances générées, en particulier par le stationnement de surface; L’équité entre les différents publics et entre les usagers des différents modes de déplacement. TYPES DE STATIONNEMENT ET GESTION DE L’OFFRE La gestion de l’offre de stationnement est complexe, en partie à cause de la multitude des types de stationnement, sur rue, mais surtout hors rue.

LES MYTHES DU STATIONNEMENT



Avec le statut d'intouchable qu'a acquis le stationnement au fil des ans, bien poser la question du stationnement suppose de désamorcer au préalable les principales idées reçues à son sujet.

LE STATIONNEMENT, UNE NÉCESSITÉ

Aux yeux de plusieurs, influencés par la croissante dépendance à l’automobile et la formule encore peu contestée du « no parking, no business », le stationnement est une nécessité et sa disponibilité, à la porte, est primordiale. Cette idée implique une double relation économique erronée entre le stationnement et l’aménagement urbain :

l’effet positif du stationnement dans l’économie d’une ville; l’impression de gratuité du stationnement. La multiplication des commerces dont l’implantation est basée sur l’accès aux voies rapides et l’abondance de stationnement contribue à faire naître et se multiplier des strips commerciales dégradant les milieux de vie. De plus, si l’exercice profite aux grandes entreprises, il appauvrit les rues commerciales centrales (CRE Montréal, 2014), où se trouvent de plus petits commerces aux retombées locales plus importantes.

L’illusion de la gratuité du stationnement, quant à elle, tient au fait que les coûts qui lui sont reliés sont absorbés par d’autres (ex. employeurs, commerçants, municipalité) et bien souvent redistribués indirectement via l’hypothèque, les taxes, etc. En réalité, le coût de construction d’une case de surface revient à 13 100 $ en moyenne au Canada, et à 33 800 $ pour un stationnement en ouvrage (The National Parking Association, 2008). Le coût annuel d’entretien d’une case est chiffré entre 600 et 1 200 $. Si on exclut les stationnements résidentiels du calcul, l’usager ne paie directement que 5 % en moyenne de ce coût (VTPI, 2013).

LE STATIONNEMENT, UNIVERSEL



Il est facile de se laisser convaincre, surtout quand on habite un endroit dominé par la présence automobile, que chacun doit pouvoir stationner un véhicule, et ce, où qu'il aille. Or, c’est négliger la grande variété des besoins, notamment en fonction du niveau socioéconomique, du lieu de résidence, de la présence de transport en commun, ou encore de la proximité des services du quotidien (Ville de Montréal, 2004).

À l’instar des aéroports qui considèrent la durée d’utilisation et des centres commerciaux qui considèrent les contraintes physiques (mobilité réduite et familles), pour déterminer la localisation des cases sur leur terrain, les municipalités auraient avantage à adopter une approche similaire. Dans les centralités, par exemple, où l’accessibilité est variée, la présence de stationnement ne devrait pas entraver les déplacements de personnes âgées ou de familles qui s’y rendent autrement qu’en automobile.....
Plus d'infos